Mondialisation Et Etat Providence (II)

Publié le par sylvainaltazin

 

 

d’autre part. Avec l’alourdissement de la dette[1] , les Trésors publics nationaux ne pouvaient compter exclusivement sur les investisseurs nationaux, il fallait faire appel aux investisseurs internationaux, en particulier les investisseurs institutionnels, pour acquérir les titres publics nationaux. « C’est ainsi qu’au départ les autorités publiques ont libéralisé et modernisé les systèmes financiers pour satisfaire leurs propres besoins de financement (...) Mais, en procédant à une libération totale de la finance, les autorités monétaires des pays industrialisés ont ouvert une boîte de Pandore, faisant surgir la finance spéculative »[2]. Que cette démonstration soit pertinente ou non n’empêche pas que l’on assiste, depuis les années 80 et 90, au début d'un cycle, qui se poursuivra probablement pendant un certain temps encore, de réduction de l’intervention de l’Etat sur le plan intérieur et d’un transfert ou une diminution de la souveraineté.

 

II/ Le rôle de l’Etat mis à l’épreuve et remis en cause par la mondialisation

 

A. Les acteurs internationaux et non gouvernementaux

 

  • Le FMI et la Banque mondiale

 

Les accords de Bretton Woods en 1944 ont posé les bases du libre échange économique à l’échelle mondiale. A la base américaine, cette instance favorise la lutte contre toutes les barrières pouvant empêcher le développement économique mondial. A cette époque, face à des idéologies comme le nazisme et le communisme, l’idée des Américains est d’assurer la stabilité du monde grâce à un développement économique harmonieux entre tous les pays. Deux organismes seront créés : la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), qui par ses prêts va aider au redressement d’une Europe à genoux au lendemain de la guerre, et le Fonds monétaire international (FMI), dont la mission est de superviser un système international de paiements caractérisés par des parités fixes par rapport à l’or. Selon le discours officiel, le FMI dispose des pouvoirs statutaires lui permettant de contrôler de près les pays présentant des déséquilibres de leur balance des paiements susceptibles de déclencher des désordres monétaires, tout comme les pays s’engageant dans un processus de libéralisation des capitaux. En fait le FMI va s’avérer pervers pour de nombreux pays en voie de développement.

 

  • Les effets pervers du FMI

 

En retour à des prêts généreux l'organisation exige du pays demandeur trois choses : la stabilisation de sa monnaie, en diminuant autant que possible l’inflation, le rehaussement des taux d’intérêts bancaires afin d’attirer les capitaux étrangers et la libération des marchés financiers et économiques du pays. Symptomatiques sont les réformes néo-libérales de 1992 sous Eltsine, lesquelles ont été, en grande partie, impulsée par le FMI. Ces réformes présentent une similitude avec les plans d’ajustement appliqués dans le Tiers Monde et notamment par l’Inde : démantèlement des services publics, rigueur monétaire, libéralisation des prix de l’énergie, dollarisation des échanges, (provoquant un envol des prix) réduction des budgets sociaux, privatisations massives et fermeture des entreprises non rentables, de larges secteurs de l’économie passe aux mains du capital international. L’effondrement de la monnaie nationale ne se fait pas attendre. Le chaos s’installe et l’on parle de tiers mondisation de la Russie[3]. Si la Russie connaît aujourd’hui une croissance économique sans précédant, elle garde des stigmates de cette période, et nombreux sont les pays, de l’Argentine au Sénégal, qui ont vu leur Etat piétiné par le FMI, au nom du sacro-saint libéralisme globalisant.

 

  • Les organisations non gouvernementales et supranationales

 

Aux institutions internationales, il faut ajouter le rôle accru dont jouit la société civile (ONG, associations, collectivités locales, entreprises), capable d’influer ou d’interférer dans les relations internationales, et perturbant le jeu de la diplomatie traditionnelle, dont les Etats forment les principaux protagonistes. Le Traité d'interdiction des mines antipersonnel ou le revirement de l'industrie pharmaceutique sur les prix des thérapies du sida dans les pays en développement, résultent largement de l'engagement des organisations non gouvernementales, de militants associatifs ou syndicaux, qui s'efforcent de mobiliser autour d'eux énergies et moyens financiers. En outre, la régulation universelle par le biais d’organisations mondiales (OIT, OMC) et la création d’organisations régionales, sorte de microsome de la mondialisation (Asean, Alena, Mercosur et UE) peuvent s’inscrire aussi dans ce processus de globalisation dont la régionalisation et la décentralisation sont quelques-uns unes des expressions. Concernant l’Union européenne[1] , l’association permanente de plusieurs Etats souverains en une communauté, en une union, quelque nom qu’on lui donne, relève du thème du fédéralisme, confinant au supranationalisme et mettant à l’épreuve la conception moderne de la souveraineté. Transfert diront les optimistes, diminution les pessimistes.

 

B. La perte de la souveraineté économique et financière de l’Etat[2]

 

  • Le tourisme fiscal sans frontière

 

Un élément central de la souveraineté nationale se dissout peu à peu dans l’économie transnationale : l’autorité fiscale et monétaire. On ne compte plus les sévères entorses au droit fiscal, perpétrés par les multi ou transnationales qui transfèrent des fractions de leur patrimoine au Luxembourg, au Liechtenstein et dans les paradis fiscaux pour échapper à l’impôt. Les critères des paradis fiscaux sont ceux du dumping social (stabilité politique, faible organisation de la classe ouvrière, faibles salaires et charges, disponibilité de la main d'œuvre), écologique (faible législation sur les activités polluantes ou destructrices) ou de compétences (haute technicité pour de faibles salaires), dont l'Inde est un cas connu : les sociétés informatiques y emploient des développeurs bien formés pour des salaires très inférieurs à leurs équivalents américains ou européens. L'offre d'un pays peut également tenir à la disponibilité des matières premières ou la facilité des transports. On notera bien le premier critère, qui correspond aux attributions classiques de l'État : assurer un ordre propice au bon développement des affaires. En outre, la compétition pour les dépenses les plus basses s’accompagnant d’une course aux subventions les plus hautes[3]. Dès lors les politiciens responsables n’ont souvent plus d’autres choix que de réduire les prestations de l’Etat là où de





[1] Sans vouloir trop polémiquer, c’est sous impulsion bruxelloise que Les publicités télévisuelles pour les livres sont devenues obligatoires et que l’on assiste aux derniers jours du CNC (qui proposait un système, unique au monde, de redistribution d’une partie des recettes de films ayant rencontré un certain succès pour les « petits films »). Ce qui est proprement honteux.

[2] Cf. Le piège de la mondialiation, H.-P. Martin, H. Schumann et « L’Etat face à la mondialisation » Michel Seymour, (sur le web) pour un développement plus exhaustif.

[3] Ainsi, BMW, en pratiquant un transfert pricing, a réussi a diminué sa contribution fiscale de 95 % entre 1988 et 1993, date à laquelle l’entreprise a trouvé le moyen d’afficher des pertes en Allemagne, se faisant ainsi rembourser plusieurs millions de marks par les services des finances, malgré des profits en hausse. En 1997, l’entreprise a, en outre, réalisé dans sa filiale belge un tiers des bénéfices totaux de l’entreprise, sans que l’on y ait produit une seule voiture. La Belgique, comme l’Irlande, facilitent les coordination centers (les groupes peuvent centraliser toutes les espèces de prestations de services, comme la publicité, le marketing, le conseil juridique, etc.).




[1]Ainsi en France, le stock de la dette publique négociable a connu une telle explosion que les déficits que finançait l’impôt d’inflation avant 1985 exigent aujourd’hui l’émission d’emprunts publics que le marché interne ne couvre plus.

[2] La mondialisation financière 

[3] Cf. Le bateau ivre de la mondialisation, A. Zacharie, E. Toussaint pour un développement plus exhaustif.

 

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